mercredi 22 août 2012

Attaquer les Républicains sur le budget de la défense : un risque inutile pour Barack Obama


Julien Tourreille
- Directeur adjoint de l'Observatoire sur les États-Unis de la Chaire Raoul-Dandurand de l'UQAM.  


 
Le 15 août 2012, un groupe d’anciens membres des forces spéciales et des services de renseignement, le Special Operations OPSEC Education Fund Inc., a lancé une campagne médiatique dénonçant l’exploitation politique des enjeux de sécurité nationale, en particulier la neutralisation d’Oussama Ben Laden, par l’administration Obama. Dans une vidéo de 22 minutes intitulée Dishonorable Disclosure, un individu se présentant comme un ancien Navy SEAL affirme : « Mr le Président, vous n’avait pas tué Oussama Ben Laden, l’Amérique l’a fait. C’est le travail des militaires américains qui a permis de tuer Oussama Ben Laden. Ce n’est pas vous ». Au 21 août, cette vidéo a été visionnée plus de 2,8 millions de fois sur YouTube.

Cette campagne médiatique n’est pas sans rappeler l’épisode des Swift Boat Veterans for Truth. Lors de la course à la Maison-Blanche en 2004, ce groupe était parvenu, avec une série de vidéos similaires dans leur grossièreté et leurs approximations, à ternir la crédibilité du candidat démocrate John Kerry sur les enjeux de sécurité nationale. En répondant fermement à l’attaque du Special Operations OPSEC Education Fund, Barack Obama ne prend donc pas un risque, même si ce groupe met en scène des membres d’institutions – particulièrement les forces spéciales – bénéficiant d’une certaine notoriété aux yeux de l’opinion publique.

En revanche, une publicité de campagne mise en ligne par l’équipe Obama le 2 août et intitulée « Worried » apparaît politiquement plus risquée, et inutile. Commençant par un rappel des décisions controversées prises par George W. Bush (guerres en Afghanistan et surtout en Irak, baisses d’impôts pour les plus riches), cette publicité dénonce par ailleurs la volonté du candidat républicain Mitt Romney d’augmenter le budget de la défense. Il est vrai que, selon un sondage récent, l’opinion américaine est plus favorable à des coupures budgétaires au département de la Défense qu’à des réductions de dépenses pour les programmes tels que Medicare, Medicaid, la Sécurité sociale, ou encore l’éducation. Une étude publiée en mai 2012 met de plus en évidence que les Américains appuient des coupures budgétaires pour la défense largement supérieures (103 milliards de dollars) à celles qui devraient entrer automatiquement en vigueur à la fin de cette année si la Maison-Blanche et le Congrès ne parviennent pas à un accord sur la réduction du déficit du budget de l’État fédéral (55 milliards de dollars). Ces coupures dans le budget de la défense font même l’objet d’un consensus bipartisan.

Ces données ne traduisent pas un changement profond dans l’état de l’opinion publique américaine. Selon des données recueillies par l’institut Gallup, celle-ci considère en effet depuis les années 1980 que le gouvernement fédéral dépense trop en matière de défense.

Les Américains jugent les dépenses en matière de défense excessives


Si la population américaine n’accorde donc pas un appui aveugle et automatique aux dépenses de défense, il n’en demeure pas moins que Barack Obama prend un risque inutile en dénonçant une hausse du budget de la défense telle qu’envisagée par le candidat Romney. Une telle position peut en effet être perçue comme une marque de faiblesse par une partie de l’électorat. Il ne faut pas oublier que les Républicains ont continuellement dénoncé la faiblesse et la naïveté des Démocrates sur les enjeux de sécurité nationale au cours des dernières décennies. Michael Cohen rappelle par exemple que George McGovern fut cloué au pilori par Richard Nixon en 1972 après avoir parlé d’une diminution de 37 % du budget de la défense. En 1984, Ronald Reagan évoqua l’ours soviétique pour mettre en garde contre la menace que ferait porter une diminution des dépenses militaires imposée par les Démocrates. Dans son discours d’investiture en 1992, George H. W. Bush dénonça la naïveté des positions démocrates en matière de relations internationales. Enfin, en 2000, George W. Bush soutint que l’administration Clinton avait présidé à un délabrement du moral et de l’état de préparation des forces armées.

Surtout, Barack Obama n’a pas besoin d’engager les hostilités sur le terrain de la politique étrangère avec ses adversaires républicains. Celle-ci n’est pas au cœur des préoccupations des électeurs dans la perspective de l’élection du 6 novembre prochain. Le président Obama bénéficie par ailleurs sur ces questions d’une crédibilité très nettement supérieure à celle de Mitt Romney. Par exemple, 50 % des Américains lui font confiance pour protéger les États-Unis d’une attaque terroriste, contre 38 % seulement pour Mitt Romney. La moitié des Américains estiment également que Barack Obama ferait preuve d’un jugement adéquat en situation de crise. Ils ne sont que 37 % à avoir la même opinion concernant Mitt Romney. 


J.T

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