jeudi 17 mai 2012

De "Sarko l'Américain" à Hollande le socialiste.

La victoire de Hollande aux présidentielles françaises marque le retour au pouvoir des socialistes depuis 1981. Le "socialisme", est un gros mot aux États-Unis, d'où leur scepticisme vis-à-vis de l'orientation future des relations franco-américaines.  "Aux États-Unis, un socialiste n'est pas un réformateur de centre gauche. C'est quelqu'un qui est opposé au système capitaliste et hostile à notre modèle américain". Jonah Levy, (professeur de sciences politiques à l'université de Californie à Berkeley, et spécialiste du rôle de l’État dans les politiques économiques européennes).



En effet, le "changement" tant annoncé par le président fraîchement élu fait craindre aux États-Unis, un désengagement de la France sur la scène internationale, ce qui serait en contradiction avec les politiques menées par Sarkozy, qui pendant cinq ans a cherché à restaurer le poids politique français dans les affaires internationales. En effet, Hollande durant sa campagne, avait déclaré vouloir (une fois élu) retirer les troupes françaises d'Afghanistan d'ici la fin de l'année. Cette perspective fait craindre à l'administration Obama une volonté de la part des alliés de faire de même en avançant leur calendrier de retrait des troupes. Situation qui s'avèrerait fort inconfortable pour les États-Unis engagés sur le terrain jusqu'en 2014. Obama cherchera lors du sommet de l'OTAN les 20 et 21 mai prochain, à convaincre le président français de revoir sa position. Pari difficile puisqu'il s'agirait pour Hollande de revenir sur ses déclarations à peine deux semaines après sa prise de pouvoir, mettant à mal dès le début de son mandat sa crédibilité politique.

Cependant, les deux hommes devraient être en mesure de trouver un compromis. Obama est conscient qu'il est difficile de demander à son homologue français de renoncer à sa promesse à peine deux semaine après son élection. Hollande quant à lui souhaite affirmer l'indépendance de la France sans pour autant compliquer la tâche du président américain. Toutefois, la position française est mal perçue chez les experts outre-atlantiques:  "Pour Marvin Kalb, de la Brookings Institution,c'est un "mauvais signal" en direction des alliés qui seront tentés d'accélérer eux aussi le calendrier. "Comme nous l'avons appris au Vietnam, quand un camp commence à se retirer du combat, il perd du pouvoir dans la négociation", estime-t-il. Jonah Levy pense lui aussi que "c'est un geste embarrassant pour le gouvernement Obama. Et il est perçu comme anti-américain"."

Le second grand sujet de discussion entre les deux présidents est la renégociation du pacte de stabilité européen. Dès le début de la campagne, François Hollande a été présenté par les médias comme le candidat hostile à toute politique d'austérité. Mais il semblerait que sur ce sujet, les deux hommes ne soient pas en total désaccord, puisque Obama lui-même défend face aux républicains "une approche équilibrée entre mesure de relance et réduction de la dette". Cependant, les Américains demeurent prudents et espèrent que l'Allemagne et la France trouveront un terrain d'entente, sans quoi les négociations pourraient tourner court.

La France reste t-elle un allié fiable pour les États-Unis?

Les conservateurs se frottent les mains. En cas de trop grande concordance politique entre Hollande et Obama, ils pourront accuser le président américain de socialisme, dans l'espoir de semer la panique comme à l'époque du Maccarthysme, et ainsi gagner des points dans la course à la Maison-Blanche. Il est certain qu'Obama va devoir faire preuve de vigilance dans sa relation avec la France sous peine d'y laisser des plumes en cette période électorale cruciale. Surtout que plusieurs anciens responsables américains (républicains ou démocrates) appréhendent l'attitude d'Hollande lors du sommet de l'OTAN à Chicago qu'ils considèrent comme anti-américaine : " Pour Damon Wilson, du groupe de réflexion Atlantic Council, le fait qu'"un président français se rende à Chicago, la ville du président des États-Unis" pour évoquer une date de retrait militaire en contradiction avec les plans de la coalition, revient à "piétiner la solidarité et la confiance". Et d'assener : "Hollande et Poutine sont les deux défis d'Obama !"

Dans un avenir un peu plus lointain, une autre question risque de diviser les deux présidents, c'est celle du bouclier antimissile de l'OTAN. Paris se montre réticente aux projets militaro-industriels de Washington. Ce qui ne passe pas inaperçu à la Maison Blanche, où Barack Obama, en pleine campagne électorale, ne peut pas se permettre d'échouer sur des enjeux tels l'Afghanistan et le bouclier antimissile. Cela servirait les intérêts de son adversaire qui l'accusent déjà de faire preuve de faiblesse.

Rendez-vous donc d'ici quelques jours pour les premiers feedbacks. 

A.E




1 commentaire:

  1. Effectivement il n'était pas judicieux de proposer le retrait des troupes de manière aussi "légère".
    La position de Hollande sur ce sujet nous en dira long sur la suite de son mandat et des promesses faites pendant la campagne...
    A suivre donc !

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