Par Valérie Leduc, étudiante à la maîtrise en science politique,
Université du Québec à Montréal.
Une fois de plus, après une lutte très serrée pour l’accès à
la Maison-Blanche, plusieurs analystes s’entendent pour dire que le vote
latino-américain fut considérablement important dans cette course
présidentielle. Durant la campagne, Mitt Romney a échoué à séduire une partie
significative de l’électorat : la minorité hispanophone. Le candidat républicain est allé chercher seulement
29% du vote des Latino-Américains, comparativement à un de ses prédécesseurs
George W. Bush qui avait fait beaucoup mieux en 2004, récoltant 44% du vote hispanophone.
Barack Obama et la minorité hispanophone
Dira-t-on que Mitt Romney a échoué ou plutôt que Barack Obama
a réussi à séduire les Latino-Américains? Comme le mentionne Julie Dufort,
chercheure à l’observatoire sur les États-Unis de la Chaire Raoul Dandurand à l’Université du Québec à Montréal, la
capacité d’Obama à aller chercher 71% du vote hispanophone fût surement déterminante
dans certains États pivots comme la Floride, où 17% de la population est latino-américaine,
ou encore au Nevada ou au Colorado, où cette communauté représente
respectivement 15% et 21% des électeurs.
En effet, Barack Obama fût déclaré vainqueur en Floride avec
50,0% des voix alors qu’il a remporté 60% du vote hispanophone et au Colorado où il a devancé son adversaire
républicain avec 5 points de pourcentage
et a remporté 74% du vote latino-américain. D’ailleurs, le poids démographique
de cette communauté a significativement augmenté depuis les dernières élections
présidentielles et a définitivement contribué à la défaite de Romney.
Un travail qui a porté fruit
Il est important de mentionner que Mitt Romney s’est retrouvé
face à un candidat démocrate ayant accordé une attention particulière à
l’électorat hispanophone. En juin,
quelques mois avant l’élection, dans le cadre du Dream Act, Obama a promis d’octroyer la citoyenneté américaine à
plusieurs immigrants illégaux de moins de 35 ans ayant vécu en sol américain
pendant au moins cinq ans qui remplissent certaines conditions associées à
l’obtention d’un diplôme d’études secondaires ou qui se sont mobilisés dans l’armée
américaine. De plus, bien que l’immigration ne soit pas l’enjeu auquel les Latino-Américains
accordent le plus d’importance, Obama s’est engagé à réformer l’immigration aux
États-Unis.
Bien qu’Obama ait tenté de séduire l’électorat latino-américain
en proposant de réformer le système de l’immigration, cet enjeu ne semble pas
la première préoccupation de cette communauté qui accorde davantage
d’importance à la croissance économique et à l’emploi. Selon un sondage réalisé
par USA Today/Gallup, les Latino-Américains inscrits sur la liste électorale privilégieraient
d’abord les enjeux associés à la santé, à l’emploi et à l’économie alors que
l’immigration se retrouvait au 5e rang de leurs priorités. Il est
important de souligner que la communauté hispanophone est particulièrement
touchée par la présente crise américaine qui ne semble pas se résorber. En
effet, selon le Bureau of Labor Statistic, le taux de chômage en octobre 2012
était de 10% chez les hispanophones comparativement à 7,9% dans l’ensemble de
la population. Dans cette optique, les Latino-Américains semblent davantage
séduits par les propositions progressistes prévues dans le plan de relance mis
de l’avant pas les démocrates.
D’ailleurs, le Parti Républicain aurait adopté un discours
beaucoup trop traditionaliste, oubliant ainsi les hispanophones qui
représentent une partie de plus en plus importante de l’électorat. Comme le
mentionne Élisabeth Vallet, professeure associée au département de géographie
et chercheure à l’Observatoire sur les États-Unis de l’Université du Québec à
Montréal, le Parti républicain « n’aurait pas réalisé que la démographie des
États-Unis avait changé » et que cette population s’est retrouvée davantage
dans le discours démocrate plutôt que dans le projet politique républicain.
Paul Ryan comme colistier
Afin de solidifier le vote de la base républicaine, Mitt
Romney a choisi Paul Ryan comme colistier, un républicain très conservateur sur
les plans fiscal et social. Bien que l’électorat hispanophone rejoigne les
valeurs conservatrices, la radicalisation du discours économique néolibéral du GOP
a probablement dissuadé cette communauté de voter pour le Parti Républicain.
De plus, l’enjeu du vote de 2012 se trouvait davantage chez
les Latino-Américains qui représentent 10% de l’électorat américain. En prenant
position sévèrement sur des enjeux touchant l’immigration, le Parti Républicain
a séduit sa base, au détriment du vote hispanophone.
Romney aurait pu
choisir Marco Rubio, sénateur de la Floride comme colistier plutôt que Paul
Ryan. Ce républicain modéré, favorable à une réforme de l’immigration et très
près de l’électorat latino-américain aurait particulièrement modifié la candidature
de Mitt Romney. Dans cette optique, nous aurions pu observer un dénouement
totalement différent dans des états clés comme la Floride, le Colorado et le
Nevada, voire sur l’ensemble du territoire américain, changeant ainsi l’issue
de l’élection.
Bref, Romney n’a pas réussi à
séduire l’électorat latino-américain et amène les républicains à se questionner,
une fois de plus, sur leur incapacité de mobiliser cette portion de la
population qui est de plus en plus importante aux États-Unis, soit en hausse de
22% depuis 2008.
Nous connaissons l’indéniable appui
du Texas au Parti Républicain. Toutefois, si le parti de l’éléphant ne réussit
pas à rejoindre cette portion de l’électorat, le Texas, où 25% des citoyens de
moins de 18 ans sont d’origine latino-américaine, pourrait devenir un état
pivot d’ici quelques années. La couleur de cet État pourrait définitivement
changer la carte électorale nationale.