mercredi 23 mai 2012

La France reste un allié fiable pour les Etats-Unis !

Malgré un contexte politique tendu, les questions sensibles qui suscitaient crainte et appréhension, ont finalement été abordées sans heurt lors du sommet de l'OTAN des 20 et 21 mai dernier.




En effet, la question afghane (potentielle source de conflits) a finalement fait consensus auprès des leaders de l'OTAN.  Ainsi, dès 2013, l'Organisation troquera ses forces de combat, pour une mission d'accompagnement, d'entraînement, de conseil et d'assistance auprès de l'armée afghane, qui durant cette période de transition, doit consolider ses bases, afin d'être en mesure de reprendre le contrôle politique et militaire du pays.

Obama fait un double pari dans ce dossier. Il part du principe que l'armée afghane, une fois entraînée par les Occidentaux, sera en mesure de remplir sa tâche. Elle doit pour cela s'engager sur la voie de la réconciliation nationale. Elle devra également empêcher le retour d'Al-Qaida dans le pays et interdire aux Talibans (qui mènent encore une guerre cruelle dans le sud et l'est du pays) l'accès au pouvoir. Situation délicate puisque les services secrets de l'armée pakistanaise fournissent des bases de repli pour les Talibans en abritant et protégeant leur état-major, afin d'imposer à Kaboul un gouvernement qui leur soit favorable.

Pourquoi ce consensus au sein des leaders de l'Alliance? Il semblerait que cette guerre qui dure depuis plus de dix ans, soit perçue comme un fiasco, et doit donc prendre fin. Cependant, il ne s'agit pas de tourner le dos à l'Afghanistan du jour au lendemain. Au contraire, l'OTAN garantit son soutien jusqu'à la fin de la période de transition, afin d'assurer l'installation sur l'ensemble du territoire, des forces de l'armée afghane.


Alors qu'au départ les Américains craignaient que la volonté de la France d'accélérer le calendrier de retrait des troupes ne fasse ressortir les divergences des Alliés, les voilà rassurés. "Tout en restant ferme sur sa décision de retirer les troupes françaises d'ici 2012, François Hollande s'est assuré de ne pas embarrasser Barack Obama, en remettant en cause la stratégie des troupes de la coalition en Afghanistan". 




Le 31 décembre 2014 signifie la fin de la mission offensive de l'OTAN, mais ne signifie pas le retrait définitif des troupes américaines en Afghanistan. Washington envisage de conserver une force antiterroriste après 2014. Mais déception pour Obama, cet effort ne sera pas soutenu par la France qui ne souhaite pas contribuer à ces commandos.

Finalement, il semblerait que cette volonté générale des Alliés de sortir au plus vite de ce conflit soit motivée par l'échec de cette mission.  Il faut sortir de ce bourbier qui dure depuis trop longtemps. Mais  est-ce que l'Afghanistan valide  la nouvelle orientation stratégique décidée par l'OTAN? Souhaite-t-il vraiment une présence des Alliés jusqu'en 2014? Après dix ans de présence l'Organisation est-elle en mesure d'amener et de conforter l'armée afghane au pouvoir ? Questions qui restent aujourd'hui sans réponse ce qui constitue un obstacle de taille au succès de cette nouvelle mission.

AE.

jeudi 17 mai 2012

De "Sarko l'Américain" à Hollande le socialiste.

La victoire de Hollande aux présidentielles françaises marque le retour au pouvoir des socialistes depuis 1981. Le "socialisme", est un gros mot aux États-Unis, d'où leur scepticisme vis-à-vis de l'orientation future des relations franco-américaines.  "Aux États-Unis, un socialiste n'est pas un réformateur de centre gauche. C'est quelqu'un qui est opposé au système capitaliste et hostile à notre modèle américain". Jonah Levy, (professeur de sciences politiques à l'université de Californie à Berkeley, et spécialiste du rôle de l’État dans les politiques économiques européennes).



En effet, le "changement" tant annoncé par le président fraîchement élu fait craindre aux États-Unis, un désengagement de la France sur la scène internationale, ce qui serait en contradiction avec les politiques menées par Sarkozy, qui pendant cinq ans a cherché à restaurer le poids politique français dans les affaires internationales. En effet, Hollande durant sa campagne, avait déclaré vouloir (une fois élu) retirer les troupes françaises d'Afghanistan d'ici la fin de l'année. Cette perspective fait craindre à l'administration Obama une volonté de la part des alliés de faire de même en avançant leur calendrier de retrait des troupes. Situation qui s'avèrerait fort inconfortable pour les États-Unis engagés sur le terrain jusqu'en 2014. Obama cherchera lors du sommet de l'OTAN les 20 et 21 mai prochain, à convaincre le président français de revoir sa position. Pari difficile puisqu'il s'agirait pour Hollande de revenir sur ses déclarations à peine deux semaines après sa prise de pouvoir, mettant à mal dès le début de son mandat sa crédibilité politique.

Cependant, les deux hommes devraient être en mesure de trouver un compromis. Obama est conscient qu'il est difficile de demander à son homologue français de renoncer à sa promesse à peine deux semaine après son élection. Hollande quant à lui souhaite affirmer l'indépendance de la France sans pour autant compliquer la tâche du président américain. Toutefois, la position française est mal perçue chez les experts outre-atlantiques:  "Pour Marvin Kalb, de la Brookings Institution,c'est un "mauvais signal" en direction des alliés qui seront tentés d'accélérer eux aussi le calendrier. "Comme nous l'avons appris au Vietnam, quand un camp commence à se retirer du combat, il perd du pouvoir dans la négociation", estime-t-il. Jonah Levy pense lui aussi que "c'est un geste embarrassant pour le gouvernement Obama. Et il est perçu comme anti-américain"."

Le second grand sujet de discussion entre les deux présidents est la renégociation du pacte de stabilité européen. Dès le début de la campagne, François Hollande a été présenté par les médias comme le candidat hostile à toute politique d'austérité. Mais il semblerait que sur ce sujet, les deux hommes ne soient pas en total désaccord, puisque Obama lui-même défend face aux républicains "une approche équilibrée entre mesure de relance et réduction de la dette". Cependant, les Américains demeurent prudents et espèrent que l'Allemagne et la France trouveront un terrain d'entente, sans quoi les négociations pourraient tourner court.

La France reste t-elle un allié fiable pour les États-Unis?

Les conservateurs se frottent les mains. En cas de trop grande concordance politique entre Hollande et Obama, ils pourront accuser le président américain de socialisme, dans l'espoir de semer la panique comme à l'époque du Maccarthysme, et ainsi gagner des points dans la course à la Maison-Blanche. Il est certain qu'Obama va devoir faire preuve de vigilance dans sa relation avec la France sous peine d'y laisser des plumes en cette période électorale cruciale. Surtout que plusieurs anciens responsables américains (républicains ou démocrates) appréhendent l'attitude d'Hollande lors du sommet de l'OTAN à Chicago qu'ils considèrent comme anti-américaine : " Pour Damon Wilson, du groupe de réflexion Atlantic Council, le fait qu'"un président français se rende à Chicago, la ville du président des États-Unis" pour évoquer une date de retrait militaire en contradiction avec les plans de la coalition, revient à "piétiner la solidarité et la confiance". Et d'assener : "Hollande et Poutine sont les deux défis d'Obama !"

Dans un avenir un peu plus lointain, une autre question risque de diviser les deux présidents, c'est celle du bouclier antimissile de l'OTAN. Paris se montre réticente aux projets militaro-industriels de Washington. Ce qui ne passe pas inaperçu à la Maison Blanche, où Barack Obama, en pleine campagne électorale, ne peut pas se permettre d'échouer sur des enjeux tels l'Afghanistan et le bouclier antimissile. Cela servirait les intérêts de son adversaire qui l'accusent déjà de faire preuve de faiblesse.

Rendez-vous donc d'ici quelques jours pour les premiers feedbacks. 

A.E




mardi 1 mai 2012

Retour sur les enjeux des présidentielles américaines 2012

Après l'abandon de Rick Santorum, c'est au tour de Newt Gingrich d'annoncer son retrait, de la course à l'investiture républicaine, ce qui confirme Romney comme challenger d'Obama le 6 novembre prochain.


L'issue de ces élections sera déterminante, et ce, quel qu’en soit le résultat, pour le futur des États-Unis et celui des relations internationales. Dans cette optique, Victor A. Béliveau (étudiant au doctorat à l'Université Laval) a pris l'initiative d'organiser, le 26 avril dernier, une conférence visant à expliquer les enjeux inhérents à ces élections.

Tour à tour, les conférenciers ont abordé des notions et enjeux essentiels comme le mécanisme électoral américain, les dynamiques de campagne, le bilan de fin de mandat d'Obama, et les défis qui attendent les Républicains s'ils veulent l'emporter.

Retour sur la genèse du système électoral

Après une entrée en matière de John Parisella (ex-délégué général du Québec à New York), Victor A. Béliveau a débuté sa présentation par l'explication du système électoral américain. A l'origine, les pères fondateurs souhaitaient mettre en place le meilleur système politique possible. L'objectif était de protéger les individus de l'autoritarisme, d'où l'instauration du principe de la séparation des pouvoirs. Mais pour éviter toute possibilité de tyrannie de la majorité, ils limitèrent également le pouvoir du peuple. Ce qui fait qu'aujourd'hui encore les Américains n'élisent pas directement leur président.

En effet, lors des élections présidentielles, même si le nom des candidats est inscrit sur les listes, les citoyens ne votent pas directement pour leur favori mais désignent 538 grands électeurs qui constituent le collège électoral. La répartition du nombre de grands électeurs par État se fait en fonction de leur poids démographique, selon des règles qui leurs sont propres.


Source : RealClearPolitics 

Cependant, avant la date fatidique du 6 novembre, il y a la course à la présidence. La première étape se déroule deux ans avant les élections. C'est ce que l'on appelle les primaires invisibles, une entreprise de séduction pour obtenir des soutiens financiers. Ensuite viennent les primaires (scrutins classiques qui désignent environ 80% des délégués) et les caucus (assemblées de citoyens plus ou moins formelles). Il s'agit durant ce marathon s'étalant sur six mois, d'obtenir le nombre de délégués nécessaire à l'investiture officielle du parti, lors de la Convention nationale. Cette année, les candidats républicains doivent avoir réuni 1144 voix sur 2286 pour l'emporter. L'élément indispensable pour perdurer dans la course est avant tout l'argent, qu'il faut savoir investir à bon escient, notamment dans les "swing states" (les États qui n'ont pas d’allégeance particulière) qui ont par conséquent une importance stratégique.
Ce que l'on peut retenir de la campagne du parti républicain à l'heure actuelle, c'est son manque de saveur et d'enthousiasme. Le GOP, qui a souffert de fortes divisions internes, recueille moins de ressources financières que son adversaire, ce qui est un désavantage de taille pour Romney.

Le parti républicain à l'heure d'Obama

Sarah Veilleux-Poulin (candidate à la maîtrise en science politique à l'UQAM et chercheure à l'Observatoire sur les États-Unis de la Chaire Raoul-Dandurand en études stratégiques et diplomatiques) analyse l'évolution du parti républicain sous Obama. Ces primaires se déroulent sous le spectre d'une économie morose et d'un taux de chômage inquiétant. Depuis 2008, on note une augmentation constante du taux de pauvreté. L'écart entre les riches et les pauvres se creuse. Aujourd'hui, 45 millions de personnes vivent sous le seuil de pauvreté, soit plus de 10% de la population totale du pays. Cette réalité offre au GOP les munitions dont il a besoin pour s'attaquer de front aux politiques de relance du président, dont notamment la loi sur Wall Street. Il faut, selon les candidats, sauver la société américaine du socialisme, symbolisé par l'augmentation des financements sociaux et la réforme sur l'assurance santé. Obama est largement accusé d'attiser les guerres de classes. De ce fait, la polarisation de la société concernant les enjeux moraux et religieux est de plus en plus importante.

Pour mieux comprendre cette notion de polarisation de l'électorat, Sarah revient sur les enjeux défendus par chacun des candidats républicains. Romney, malgré son statut de favori peine encore à se connecter avec l'électeur moyen. Sa fortune personnelle l'éloigne de la réalité économique de la classe moyenne. Son affiliation religieuse (mormon) et son comportement de girouette (Flip-Flopper) jouent également en sa défaveur. De plus, le succès de l'ultra-conservateur Rick Santorum reflète la polarisation de l'électorat, rendant la tâche difficile à Romney dans l'établissement de son programme de campagne.

Pour Romney, la relance de l'économie passe par des baisses d'impôts aux entreprises, des coupures dans les dépenses fédérales. La signature de nouveaux accords de commerce sur la scène internationale permettrait la relance de l'emploi. L'élément au centre de leur programme est l'annulation d'Obamacare (dont le taux d'approbation est de moins de 50%), qu'ils considèrent comme une ingérence gouvernementale dans les libertés individuelles et entrepreneuriales. Pour y parvenir, le GOP envisage un recours collectif des États devant la Cour suprême. Un des points faibles du discours républicains reste cependant leur attitude réactionnaire en matière de droit des femmes. Selon les sondages, ces dernières voteront massivement (à plus de 55%) pour le président démocrate.


Quel bilan pour Obama?

Pour l'ensemble des conférenciers, c'est la désillusion qui est de mise. Certains lui reproche par exemple, le maintien de la prison de Guantanamo, son bilan économique qui est loin d'être à la hauteur des promesses annoncées, et enfin, le taux de chômage qui stagne entre les 8 et 9%. On n'évoquera pas le bilan de la politique étrangère de l'administration Obama, qui n'apparaît pas pour l'instant, au coeur de la campagne de 2012.


Claude Berlinguette-Auger (étudiante à la maîtrise à l'UQAM) revient également sur le bilan du 44e président.  Avec une côte de popularité en dessous des 50%, Obama se retrouve face à une situation délicate et ne peut donc plus compter sur le vent d'espoir qui l'a fait gagner en 2008. Cet homme doué d'un très grand charisme est un expert de l'image. Malheureusement, il n'a pas su exploiter pleinement ce potentiel, pour agir en vrai leader. Ses opposants ont exprimé leur opposition par des discours de plus en plus radicaux et virulents envers le président. L'inexpérience de son équipe lui a coûté de grosses défaites comme le refus des Républicains de consentir à une hausse d'impôts pour diminuer la dette publique, ce qui était un élément majeur du mandat d'Obama. En effet, le déficit fédéral en 2011 atteint 9% du PIB soit une première depuis soixante ans. Taux amené à se maintenir dans les prochaines années, compte tenu , entre autre, du ralentissement économique et du vieillissement de la population.

La réforme de l'assurance maladie (l'Obamacare), cheval de bataille du président a monopolisé l'attention de l'équipe présidentielle pendant plus de 14 mois, reléguant au second plan l'économie et le chômage pourtant au coeur des préoccupations des Américains. La polarisation croissante de l'électorat paralyse le processus législatif puisqu'il devient de plus en plus difficile pour les deux partis de s'entendre, et de faire des concessions sur des enjeux majeurs comme l'économie,  le chômage, ou le déficit public.

 Dans ce cadre quel est le contexte de campagne d'Obama pour 2012? Tout d'abord, il est très rare qu'un président sortant ne soit pas réélu. De plus, comme il l'a déjà prouvé en 2008, c'est une vraie bête de campagne qui sait séduire les masses. Même si l'économie n'est pas au beau fixe, elle s'améliore progressivement, ce qui joue en sa faveur, à condition que la croissance se maintienne à un taux supérieur à 0,5%. Le parti républicain a souffert de grandes divisions internes et même si Romney devrait remporter l'investiture officielle du parti, il est encore loin de faire consensus au sein de sa base électorale. Obama devra se battre, sa victoire ne s'annonce pas facile. Son bilan demeure assez mitigé, le chômage reste élevé, et sont taux d'approbation nationale est dangereusement bas.



Les grands retournements électoraux sous Obama (2008, 2010, 2012)

En guise de conclusion, Frédérick Gagnon (directeur de l'Observatoire sur les États-Unis de la Chaire Raoul-Dandurand en études stratégiques et diplomatiques, et professeur au département de science politique à l'UQAM) revient sur le comportement électoral des Américains sous Obama.

Comme il le souligne, un des particularismes des États-Unis est la volatilité de son électorat, ce qui est inquiétant pour la politique américaine. En 2008, l'impopularité des Républicains a favorisé la victoire des démocrates. Le charisme d'Obama et sa gestion de l'image ont suscité un grand enthousiasme (l'Obamanie), habilement exploité par son équipe de campagne.

Cependant l'enthousiasme aura été de courte durée. Les Américains sont déçus et le font sentir par le biais des urnes. Les élections de mi-mandat en novembre 2010 sont un coup dur pour le président. La Chambre des représentants repasse aux mains des Républicains qui gagnent plus de 60 sièges. Désormais, leur objectif est d'empêcher Obama d'avancer dans ses réformes en paralysant le processus législatif, notamment par l'utilisation excessive de l'obstruction parlementaire (le filibuster), qui consiste à prononcer délibérément d'interminables discours pour faire obstruction à un débat sur un projet de loi.

Obama n'est pas dans une situation confortable pour ces présidentielles de 2012. Ses réformes sont perçues comme étant des politiques de centre gauche ce qui est loin de faire l'unanimité y compris au sein de son propre parti. La manière dont ces politiques ont été médiatisées a permis au Tea Party d'accroître son poids politique.

La théorie de la thèse institutionnelle propose d'expliquer les difficultés d'Obama d'une autre manière : tout serait la faute des pères fondateurs. En effet, le Congrès des États-Unis détient d'immenses pouvoirs, et jouit d'une indépendance vis-à-vis du président. Au Sénat, il faut une majorité de 60 sénateurs sur 100 pour clore les débats et passer au vote sur un projet de loi. Sauf qu'aucun parti ne possède cette majorité absolue, qui lui permettrait de faire voter facilement ses projets de loi. Il faut donc sans cesse courtiser les membres du parti adverse pour parvenir à ses fins, ce qui implique forcément des concessions.

AE.