lundi 23 avril 2012

Les présidentielles françaises vues d'Amérique

Retour sur les résultats

Billet spécial, en ce lendemain de vote français. C'est une mobilisation citoyenne massive (80%) qui caractérise ce premier tour. Quelques surprises (bonnes ou mauvaises selon le candidat) sont à noter. Le PS réalise sont meilleur score au premier tour depuis 1988 (avec Mitterrand) avec plus de 28% des suffrages. Pour le président sortant qui se qualifie en deuxième position, avec 27% des suffrages c'est un score quelque peu décevant. Cependant, les 18% de Marine Le Pen créent la surprise et permet à la droite de se frotter les mains.

En effet, la gauche ne doit pas se réjouir trop vite, on est loin d'une victoire écrasante. Les deux candidats se talonnent de près, et vont devoir mener une ultime campagne d'ici le second tour, celle de la séduction des candidats des partis adverses afin d'obtenir les faveurs de leur électorat respectif. 

Les équations prévisionnelles pour le second tour démontrent que la course est très serrée, même si Sarkozy semble en meilleure posture que son adversaire: 27% (score personnel du premier tour + 18% (FN) + ?% du Modem, rien n'est encore joué. Pour Hollande, en revanche, l'équation rapporte moins : 28% (score personnel au premier tour)+ 11,2% (Mélenchon) + ?% Modem + les quelques 4% des autres partis de gauche. S'il veut assurer sa victoire, il doit parvenir à séduire une portion suffisante de l'électorat FN afin de faire tomber le président en place, et c'est une tâche extrêmement difficile qui attend le candidat.

Quelques mots venus d'Amérique

Les Américains réalisent une analyse assez juste de ce qui se passe en France. Le New York Times  dans sa présentation des deux principaux candidats n'a pas mâché ses mots. Hollande est vu comme le gentil outsider qui essaie de gagner en capital sympathie en se faisant passer pour quelqu'un de "normal" (et là j'aimerais savoir ce que signifie ce "normal"), en opposition à l'hyper-président Sarkozy. Seulement, Steven Erlanger, dans son article "The Soft Middle of François Hollande" souligne que le candidat socialiste ne déchaîne pas les passions et que tout comme Romney il va falloir sortir du combat contre le président sortant pour affirmer un vrai programme d'action efficace. C'est là le plus grand défi qui attend le vainqueur aux lendemains des élections. L'euphorie et les "passions" que peuvent susciter une campagne seront retombées et il faudra agir.

Dans le portrait de Nicolas Sarkozy (que je vous invite fortement à lire), on fait le bilan, le constat de ces cinq années passées à la tête de l’État. Tout y est mentionné, de son hyper-médiatisation aux sujets plus sérieux comme l'économie, le chômage, la réforme des retraites, la situation critique de l'Europe, l'Afghanistan,  etc . Le Président sortant est présenté comme un homme affaibli, reconnaissant ses erreurs, mais qui souhaite aller de l'avant dans ses politiques, concentrant ses efforts sur la relance de l'économie, la lutte contre le chômage et la réduction du déficit public (nécessitant selon lui, des coupures budgétaires).

Finalement, Hollande, le candidat du "centre mou " et perçut comme le gentil homme "normal", rassurant qui répond à l'idéal français de l’État providence et créateur d'emplois : "The French social preference for raising taxes as opposed to cutting public spending is very deep". Alors que Sarkozy est dépeint comme un homme, plus réaliste et plus expérimenté, déterminé à poursuivre ses réformes sans grands compromis, plus proche du modèle anglo-saxon, du libre-marché : 



AE


dimanche 15 avril 2012

Des prévisions exactes !

Lors du colloque du 22 mars organisé par la Chaire Raoul-Dandurand, les experts présents ont tous sans exception, déclaré que Romney serait le challenger du président sortant le 6 novembre prochain. Avec l'abandon de Rick Santorum dans la course à l'investiture les prévisions se sont révélées exactes. 



Maintenant que Romney mène la course (et oui Gingrich et Ron Paul n'ont pas encore abandonné), il doit concentrer ses efforts pour rallier l'ensemble de l'électorat républicain, s'il veut espérer battre Obama. L'influence du Tea Party dans ces primaires est un fait nouveau. Forçant un virage à droite dans les discours de campagne, les ultraconservateurs souhaitent reconstruire la base idéologique du GOP, qu'ils jugent trop modérée, prônant un retour aux valeurs morales et religieuses dans la vie politique. Finalement, comme le souligne Kate Zernike du New York Times, cette campagne a mis en relief les profondes divisions qui règnent au sein de la branche conservatrice de l'électorat, diluant de ce fait le capital politique de leurs candidats.

Romney a encore d'autres batailles à livrer. Désormais, pour contrer le manque d'enthousiasme dont il est victime, il doit opérer un choix stratégique de ticket présidentiel. Pour cela, il doit choisir LE colistier qui lui permettra de rassembler le plus possible son électorat. En effet, l'échec  McCain-Palin de 2008 ne doit pas se reproduire. Là est le danger car les deux hommes un temps adversaires, ne sont pas si différents. Tous deux modérés, ils ont la ferveur des plus riches et des plus éduqués, qui cultivent un conservatisme plus économique que moral. L'enthousiasme général n'est donc pas au rendez- vous, d'où l'importance de bien choisir l'éventuel futur vice-président. Car même si ce dernier ne rapporte pas forcément de points dans les sondages, il peut mettre le candidat en difficulté si il s'avère un choix non judicieux. 

Le plus dur est encore à venir pour l'ancien gouverneur du Massachusetts. Il doit à la fois séduire une portion plus importante de l'électorat ultraconservateur afin de gagner en crédibilité, sans pour autant s'aliéner le vote des indépendants. Cet électorat plus volatile peut jusqu'au dernier moment, faire basculer l'issue d'une élection. Et malgré un charisme certain, le capital sympathie à l'échelle nationale du "favori" est nettement inférieur (26%) à celui d'Obama (64%), ce qui est problématique dans ces élections, où la personnalité d'un candidat est autant, si ce n'est plus importante que son programme.

Alors quelles sont les personnalités susceptibles de combler ce ticket présidentiel?

Marco Rubio est sénateur de Floride, et chouchou du Tea Party. L'avoir comme colistier permettrait à Romney de rallier l'électorat hispanique.








Nikki Haley, gouverneure de la Caroline du Sud, est une personnalité influente du Tea Party. Elle représente une bonne alternative à Sarah Palin, pour séduire l'électorat féminin.







Rick Santorum, le plus sérieux adversaire de Romney dans cette campagne. Inconnu du grand public au début de la course, il a su mobiliser l'aile ultraconservatrice du parti républicain, démontrant que les valeurs morales et religieuses sont un des enjeux majeurs de ces élections. 





Dernier choix probable: le très populaire Chris Christie, gouverneur du New Jersey. A l'automne dernier il faisait parti des candidats favoris dans la course à l'investiture républicaine. Il a préféré ne pas se présenter.










Affaire à suivre...


AE

mercredi 4 avril 2012

Toujours pas de consensus !!

Aïe aïe, je sais que j'accuse un retard terrible dans la suite du soap électoral américain. Mais faute avouée est à moitié pardonnée (enfin paraît-il !!). Alors que s'est-il passé ces deux derniers mois chez nos amis du Sud?

Petit rappel des victoires et défaites de nos chers candidats conservateurs. Mitt Romney a remporté le 31 janvier dernier l’État de la Floride et ses 50 délégués. Il poursuit sa lancée et distance considérablement ses adversaires dans le Nevada, qui grâce à la portion non négligeable de Mormons lui permet de réaliser un score de 43%  contre 26% pour Gingrich, 18,5% pour Ron Paul et 13% pour Rick Santorum.

Mais le 7 février il sera coupé dans son élan avec ses défaites dans le Colorado et le Minnesota au profit de son grand rival ultra conservateur Rick Santorum, ce qui change la donne de cette course. En effet, jusqu'aux primaires de  Floride le bras de fer s'annonçait entre Mitt Romney et Newt Gingrich, l'ancien speaker de la Chambre des représentants qui semble désormais hors course au profit de Santorum. Romney reprend son souffle difficilement en remportant le caucus du Maine du 11 février avec 39% des voix talonné de près par Ron Paul avec 36% des voix.

Le modéré continue son avancée avec la victoire du Michigan de l'Arizona et du Wyoming. Mais, malgré ses victoires, il a du mal à convaincre, et c'est là une épine dans le pied considérable. La victoire arrachée de Romney dans son État natif du Michigan démontre la faiblesse de ce candidat, qui en cas de défaite aurait vu son image considérablement entachée. Santorum peut se frotter les mains et se vanter de mener la vie dure à son adversaire, mettant en branle sa crédibilité politique.

Vient ensuite le Super Tuesday (cette année le 6 mars). Enjeu déterminant puisque 10 États organisent leurs primaires en même temps (Alaska, Géorgie, Idaho, Massachusetts, Dakota du Nord, Oklahoma, Tennessee, Ohio, Vermont, Virginie). A eux dix, ils représentent 437 délégués sur les 1144 a obtenir pour espérer l'investiture officielle républicaine, lors de la convention nationale du Parti en août à Tampa (Floride). Finalement, Mitt Romney remporte le Massachusetts, la Virginie, le Vermont, l’Idaho, l'Alaska et surtout l’Ohio, État décisif. La victoire de Mitt Romney dans cet État a été longue à se dessiner, avec 38% des voix contre 37% à Rick Santorum. Mais les victoires de l'ultraconservateur Rick Santorum dans le Tennessee, l'Oklahoma et le Dakota du Nord, empêche Mitt Romney (contrairement à ce qu'il espérait) de donner le coup de grâce à ses adversaires. Sur le plan national, Mitt Romney reste encore le favori mais il peine toujours  à convaincre la base conservatrice du parti.

Après le Super Tuesday viennent les primaires dans un certain nombre d’États conservateurs, qui se prononceront en faveur de Rick Santorum, comme l'Alabama, le Mississippi. Dans l'Illinois (bastion d'Obama) Romney sort vainqueur avec 45% des suffrages contre quand même 35% pour Santorum. Dans le Missouri, Santorum rapporte le soutien populaire avec 55,2% des voix distançant largement le favori Romney (25,3%).  Depuis aujourd'hui, avec les victoires de Romney dans le Wisconsin et le Maryland le nombre de délégués attribués à chaque candidat est de 652 pour Romney, 269 pour Santorum, 140 pour Gingrich et 67 pour Paul selon le site spécialisé RealClearPolitics.

L'ensemble de ces résultats vient confirmer deux choses. Tout d'abord, on constate que l'absence de consensus de l'électorat républicain auprès d'un candidat fait toujours défaut. Même si Romney est donné gagnant, il ne faut pas pour autant se fier aux apparences. L'investiture officielle de Romney ne s'annonce pas si facile. L'ultraconservatisme qui caractérise les adversaires de l'ancien gouverneur du Massachussetts oblige ce dernier a orienter son discours de plus en plus à droite. Même si il sort vainqueur de cette course, Gingrich, Paul et Santorum auront influencé considérablement l'orientation de cette campagne, en démontrant qu'une portion non négligeable de l'électorat américain souhaite un retour au conservatisme économique moral et religieux. Mitt Romney devrait, grâce aux primaires dans les États du nord-est, à l'électorat relativement modéré, rester en tête de la course. Mais Santorum pourrait lui donner du fil à retordre dès le mois de mai avec les États conservateurs de l'ouest et du sud du pays, comme le Texas, le Nebraska et le Kentucky. Mais il faut attendre  juin avec les primaires de Californie pour que Romney parvienne à obtenir les 1.144 délégués.

Cependant, le nerf de la guerre en matière de campagne reste depuis toujours l'argent et c'est cette donnée qui finalement aura raison des candidats. Romney qui possède une fortune personnelle colossale, reste donc le grand favori, malgré l'élan qui porte Santorum et qui risque de lui attribuer des financements de la part du Tea Party.
D'ailleurs pour ceux qui s'intéressent au dessous des financements des campagnes électorales aux États-Unis, je vous réfère à deux articles. le premier de Leah Pisar, et le deuxième fort passionnant d'Elisabeth Vallet qui se penche sur les dérives des financements des campagnes.

Le prochain billet sera consacré au compte rendu du colloque : "Elections américaines 2012: en route vers le duel de novembre" organisé le 22 mars par la chaire Raoul Dandurand de l'UQAM 

AE