Après une longue et coûteuse campagne, Barack Obama remporte, la présidentielle
Américaine, face à Mitt Romney. Cette élection que les médias et les instituts
de sondage annonçaient des plus serrée depuis plusieurs mois a finalement
conforté le président en exercice avec une avance plus que confortable : 332
contre 206 votes au collège électoral et un écart de plus de trois millions de
voix au vote populaire avec 50,4% contre 48,1%.
Loin de l’enthousiasme et de l’engouement qu’à suscité l’élection du
premier président afro-américain en 2008, celle de 2012 n’en revêt pas moins
une dimension symbolique, et ce pour plusieurs raisons.
Obama défie la règle des 7.2%
Avant la date fatidique du 6 novembre dernier, les experts des élections
américaines évoquaient, une probable défaite du président sortant en raison du
climat économique morose. En effet, depuis Franklin Delano Roosevelt, aucun
président n’a été réélu lorsque le taux de chômage dépassait les 7.2%. C’est ce
chiffre fatidique qui a été le cheval de bataille des Républicains durant cette
campagne.
Pour Julien Tourreille (directeur adjoint de l’Observatoire sur les États-Unis
de la Chaire Raoul-Dandurand de l’UQAM) ce chiffre symbolique est utilisé à
mauvais escient et doit être interprété en fonction du contexte électoral. Les
électeurs sont conscients que Barack Obama a hérité d’une situation désastreuse
attribuable en grande partie à l’administration précédente. Même si les indicateurs
économiques et notamment le taux de chômage (7.9%) demeurent à des niveaux
symboliquement élevés, pour les Américains le pays se trouve dans une situation
plus favorable qu’il y a quatre ans. La santé économique du pays s’améliore, et
c’est cet indicateur qui fut déterminant. Avec entre autres plus de
170 000 emplois créés et un taux de chômage se maintenant sous la barre
des 8%, l’indice de confiance de la population envers son président a atteint
son plus haut niveau depuis 2008.
Malgré un bilan mitigé, les Américains ont voté cette fois-ci en faveur des
politiques d’Obama jugées plus à même de répondre plus efficacement aux défis
que le pays doit relever.
20 femmes au Sénat, légalisation de la marijuana, et
mariage homosexuel
Voilà autant d’enjeux qui étaient également à surveiller le 6 novembre
dernier. A défaut de remporter la présidence, le GOP a conservé sa majorité à
la Chambre des représentants avec (233-194). Le Sénat quant à lui, est resté à
majorité démocrate avec (54-45 et un indépendant). Cette élection revêt
également une dimension symbolique, avec notamment la nomination de 20 femmes
au Sénat, dont la première ouvertement homosexuelle, Tammy Baldwin (Wisconsin),
et la défaite de deux sénateurs Todd Atkin (Missouri) et Richard Mourdock
(Indiana) qui ont tenu des propos controversés sur le viol.
Même si la configuration du Congrès reste quasiment inchangée, il est fort
probable que le GOP sera plus enclin au compromis. La défaite de Mitt Romney a
démontré les faiblesses du parti et faire preuve d’ouverture politique pourrait
être payant dans les urnes, en 2014 et 2016. D’autant plus que le président ne
pouvant plus se représenter, risque d’adopter une position plus ferme vis-à-vis
du Congrès et n’hésitera pas en cas d’obstruction, d’en dénoncer l’immobilisme.
174 référendums étaient également à l’ordre du jour dans 38 États. Trois
thèmes en particulier ont retenu l’attention. Le Maine, le Maryland et l’État
de Washington ont légalisé le mariage homosexuel, portant désormais à neuf le
nombre d’États l’autorisant. Selon un article du Washington Post, c’est une
grande victoire, car les changements sur les questions morales sont assez lents
aux États-Unis. Il y a seulement quatre ans, 55% des Américains s’opposaient au
mariage homosexuel, alors qu’aujourd’hui, 54%
sont en faveur. Cette tendance tend à se maintenir dans les prochaines
années.
De plus, le Colorado et l’État de Washington ont légalisé la consommation
et la possession de marijuana à des fins récréatives. En Floride, les électeurs
ont rejeté une proposition qui visait à interdire l’affectation de fonds
publics au financement de l’avortement (sauf en cas de viol, d’inceste ou de
danger pour la vie de la mère) rappelant que le fédéral n’a pas à intervenir dans
un domaine privé résultant d’un choix des femmes.
More Forward Than Backward
L’issue de cette élection démontre que l’Amérique n’est pas aussi polarisée
qu’on ne le croit. La victoire confortable d’Obama prouve que le parti
républicain est en crise et que les électeurs ne se reconnaissent pas dans les
discours ultraconservateurs. Le mouvement du Tea Party qui a pris son essor
avec l’élection d’Obama, et qui a remporté plusieurs sièges à la Chambre des
représentants aux élections de mi-mandat de 2010, a radicalisé le GOP créant
des dissensions qui lui sont aujourd’hui fatales. Le soap électoral des
primaires républicaines, a révélé ces faiblesses. Les candidats les plus
conservateurs ont engendré la radicalisation des discours de campagne, forçant
Romney le modéré, à se positionner très à droite de l’échiquier politique entrainant
la méfiance des électeurs.
Le parti républicain se trouve désormais plus éloigné que jamais des
attentes d’une portion toujours plus importante de la population américaine
(les minorités ethniques, les femmes et les jeunes). Cette partie de l’électorat est déterminante
pour remporter la Maison-Blanche, et les chiffres en témoignent. Selon un article parut dans Politico, Obama a
récolté 71% du vote Hispanique (qui
représentent 10% des électeurs), et 93% du vote Afro-Américain, 60% du vote des
jeunes (19% des électeurs) et 55% du vote des femmes (55%).
Dès lors, le parti doit se contraindre à une réflexion urgente quant à son
avenir et à son positionnement idéologique, s’il souhaite remporter la
Maison-Blanche en 2016. La base du GOP est constituée en majeure partie
d’hommes blancs hétérosexuels âgés de 65 ans et plus. Or cette partie de
l’électorat décroit au profit des minorités, des jeunes et des femmes.
Mais, restons prudents, la victoire d’Obama s’explique également par la
faiblesse de la candidature de son adversaire, qui a eu énormément de
difficultés durant les primaires républicaines à s’imposer, et à faire
consensus auprès de la base la plus conservatrice du parti. En conservant un
Congrès divisé, les électeurs ont exprimé leurs réserves vis-à-vis des
politiques de la Maison-Blanche.
A.E
A.E