mardi 12 novembre 2013

Que retenir de la soirée électorale du 5 novembre ?

Source: AP Photos
Lors de la soirée électorale du 5 novembre dernier, trois courses ont particulièrement attiré l'attention des médias. D'abord l'élection sans surprise (73,3% - 24,3%) du démocrate Bill de Blasio à la mairie de New York, contre son adversaire Joe Lhota. Malgré les attaques des républicains le qualifiant de marxiste en raison de son soutien aux Sandinistes au Nicaragua durant la présidence de Ronald Reagan, les New Yorkais ont clairement montré leur volonté de changement après les années Giuliani (1994-2001) et Bloomberg (2002-2013). Le cheval de bataille de cette nouvelle ère progressiste est  la lutte contre les inégalités. De Blasio a un agenda très ambitieux: favoriser l'accès à la scolarité dès quatre ans, construire plus de 200 000 logements sociaux, continuer la lutte contre la criminalité, et augmenter les impôts des plus hauts revenus (500 000 dollars et plus par année). Ce dernier point devra, pour se concrétiser, obtenir l'aval de la capitale de l'État de New York, Albany, mais à un an des élections de mi-mandat, il sera difficile d'obtenir les appuis nécessaires. 

Ensuite, la réélection de Chris Christie au poste de gouverneur du New Jersey (60,4% - 38,1%) rappelle que Chris Christie devient un nom incontournable pour les présidentielles de 2016. Il agace les républicains les plus conservateurs et fait trembler les démocrates qui le considèrent comme une menace sérieuse pour 2016. Sa popularité auprès de l'électorat normalement attribué aux démocrates (les femmes, les jeunes, les minorités ethniques et surtout les indépendants) atteint de nouveaux sommets. En effet, malgré ses positions conservatrices sur des enjeux comme le mariage gay et l'avortement, Christie fait preuve de pragmatisme, et choisit ses combats. Il préfèra finalement ne pas s'opposer à la légalisation du mariage entre personnes de même sexe au New Jersey, considérant que c'est une bataille perdue d'avance. De plus, il a personnellement soutenu un projet de loi renforçant le contrôle des armes à feu dans son État,  suite à la tuerie de Sandy Hook en décembre dernier. Récemment, il a dénoncé publiquement l'intransigeance des républicains au Congrès qui a mené au shutdown en octobre dernier. 

Enfin, l'élection surprise cette fois-ci, du démocrate Terry McAuliffe (48% - 45%) face au républicain Ken Cuccinelli au poste de gouverneur de la Virginie met en évidence la crise de confiance dont est victime le Grand Old Party (GOP). L'épisode de l'impasse budgétaire du mois dernier est encore dans tous les esprits. À cela s'ajoutent des changements démographiques importants qui redéfinissent les dynamiques électorales, et font des minorités ethniques, l'électorat à séduire, et talon d'Achille des républicains. 


A.E






mardi 1 octobre 2013

Shutdown !

Source: Shakena Thornton CNNmoney

Faute d'accord entre les membres du Congrès concernant le vote du budget fédéral, la Maison-Blanche a annoncé la fermeture partielle des instances gouvernementales, effective dès aujourd'hui. C'est un véritable "ping-pong parlementaire" qui s'est opéré lundi au Congrès. La Chambre haute (le Sénat à majorité démocrate) a rejeté pour la seconde fois consécutive le projet de loi proposé par la Chambre basse (la Chambre des représentants). Ce projet prévoyait de reporter l'entrée en vigueur de la loi sur la santé plus connue sous le nom d'Obamacare, dont la mesure phare entre en vigueur aujourd'hui. Désormais, plusieurs millions d'Américains dépourvus d'assurance maladie pourront choisir, quelle que soit leur situation professionnelle, un contrat d'assurance à prix compétitif, grâce aux subventions gouvernementales. 

C'est donc presque un million de fonctionnaires fédéraux qui se retrouvent au chômage technique tant que la crise au Congrès n'est pas résolue. La plupart des activités du gouvernement vont être suspendues à l'exception des services jugés essentiels (ceux qui relèvent notamment de la sécurité intérieure et extérieure), ainsi que les dépenses obligatoires (comme les prestations sociales). Les conséquences économiques du Shutdown inquiètent les économistes, qui prédisent (en se rapportant aux chiffres du shutdown de 1995) un ralentissement de la reprise économique déjà faible. 

À cela s'ajoute un autre évènement de taille, qui pourrait avoir les effets les plus néfastes à la fois sur l'économie américaine mais également sur le marché mondial. Il s'agit des négociations de la mi-octobre où le Congrès doit décider s'il autorise ou non un relèvement du plafond fixé pour la dette américaine, qui présage de nouvelles batailles autour d' Obamacare. En effet, si les républicains maintiennent leur position et refusent d'augmenter la capacité de crédit du gouvernement, les États-Unis se trouveront en défaut de paiement et devront faire face à une frilosité des investisseurs étrangers. 

À vouloir mener coûte que coûte une guerre ouverte à Obama, les républicains mettent en péril leur crédibilité. Selon un sondage mené par Quinnipiac, 72% des Américains  s'opposent  à la fermeture des instances gouvernementales, et condamnent le comportement de leurs élus. Les chiffres parlent d'eux-mêmes, les républicains récoltent 74% d'avis défavorables contre 60% pour les démocrates.

L'expression "The broken Branch"* très souvent utilisée pour qualifier l'institution législative en soulignant son immobilisme, prend ici tout son sens.


A.E

* En référence à l'ouvrage de Thomas E. Mann et Norman J. Ornstein  The Broken Branch: How Congress is Failing America and How to Get It Back on Track. 






mardi 10 septembre 2013

Le "job gap" se creuse aux États-Unis !





Toujours en prise avec l'épineux dossier syrien, Obama fait face, sur le plan domestique, à une fausse bonne nouvelle révélée vendredi 6 septembre par le département du travail. Malgré une baisse sensible de 0,1 point du nombre de demandeurs d'emploi en août dernier, représentant 7,3% de la population active (soit le taux le plus bas depuis décembre 2008), l'enthousiasme n'est pas au rendez-vous. Mais pourquoi est-ce une fausse bonne nouvelle ? Face à la faiblesse du marché, les prévisions avaient été revues à la baisse depuis plusieurs mois déjà. Ainsi, en juin c'est 172 000 nouvelles créations d'emplois loin des 188 000 annoncées, et la situation s'aggrave en juillet avec un écart encore plus important entre les prévisions (162 000) et la réalité (104 000).

Selon le "livre blanc" publié le 27 août par l'Express Employment Professionnals, la situation est inquiétante et révèle une véritable transformation du marché de l'emploi. L'étude démontre que la relance économique non seulement ne parvient pas à créer suffisamment d'emplois, mais en plus, elle ne les créé pas là où il faut.  Il existe un décalage de plus en plus important entre les emplois créés, avec soit des emplois très qualifiés, ou au contraire des postes peu qualifiés et peu rémunérés, et le profil des chômeurs, c'est ce que l'on appelle le "job gap". Ce phénomène engendre une baisse de la population active, actuellement de 63,2% contre 63,4% le mois précédent, soit une perte de plus de 300 000 personnes:"On parle d'un véritable revirement dans la structure de l'emploi Américain: le passage d'une Amérique qui travaille à celle d'une Amérique oisive, avec le nombre d'Américains cherchant un emploi qui est tombé à son plus bas niveau depuis 35 ans".  Ces demandeurs d'emploi ne sont donc plus comptabilisés dans les chiffres du chômage, contribuant ainsi, à le faire fallacieusement baisser:

Mais qui sont ces personnes qui sortent du marché du travail ? Toujours selon cette même étude, il y a cinq catégories principales: les babyboomers qui partent à la retraite ; les "déprimés" du marché de l'emploi qui finissent par se tourner vers le marché noir ; les jeunes, victimes du manque de création d'emplois qui sont retournés vivre chez leurs parents, ou ont repris les études en attendant des jours meilleurs ; les invalides ou inaptes au travail, de plus en plus nombreux aux États-Unis en raison notamment de l'augmentation de maladies liées au phénomène de l'obésité, et qui touchent une pension d'invalidité; et enfin les femmes, mais également de plus en plus d'hommes qui choisissent de rester à la maison pour s'occuper des enfants afin de limiter les frais de garde.

Ce sont autant d'éléments qui seront instrumentalisés par les adversaires d'Obama (républicains comme démocrates) aux vues des élections de mi-mandat de 2014.

A.E



vendredi 26 juillet 2013

Les enjeux cachés de l'affaire Zimmerman !


Je tiens à remercier très chaleureusement Véronique Pronovost, chercheure en résidence à l'Observatoire sur les États-Unis de la Chaire Raoul-Dandurand en Études stratégiques et diplomatiques, pour sa précieuse collaboration, en tant qu'auteure principale de cet article.







"l'affaire Zimmerman" divise les États-Unis depuis plusieurs jours. Le 13 juillet dernier, un juré très controversé, de 6 femmes (5 blanches et une hispanique) a acquitté George Zimmerman, accusé du meurtre de l'adolescent de 17 ans Trayvon Martin le 26 février 2012. Ce procès soulève de nombreuses questions, dont celles du profilage racial, mais également de la légitimité et de la nécessité de ces "milices de quartiers". Nombreuses furent les réactions sur les réseaux sociaux, dénonçant la nature raciste de cette affaire, pointant également du doigt les défaillances du système judiciaire américain. Certains suggèrant même que Dexter (personnage principal de la série éponyme) "s'occupe de Zimmerman". 

À l’issue de ce procès ultra-médiatisé, un constat s’impose : à aucun moment, tant au cours du procès que de la délibération, la question raciale n’a réellement été considérée. Cherchant à réfuter les allégations du procureur à ce sujet, les avocats de la défense ont insisté sur les origines latino-américaines de leur client, afin de soustraire ce dernier au cliché populaire limitant le racisme à une opposition entre Noirs et Blancs. De même, les avocats de Zimmerman l’ont identifié comme étant ouvert d’esprit, tolérant et antiraciste. Robert Zimmerman Senior, le père de l’accusé, a témoigné et a même fait paraître une livre confirmant ces traits de caractère. Puis, suite à l’annonce du verdict, une jurée a accepté de répondre anonymement aux questions du populaire animateur Anderson Cooper dans le cadre de son émission 360 diffusée sur les ondes de CNN. Cette dernière affirme que l’aspect racial n’a été soulevé à aucun moment lors de la délibération du jury et donc qu’aucune discussion n’a eu lieu sur le sujet. Le procès de Zimmerman a complètement occulté les problématiques sociales que sont le profilage racial et l’utilisation de stéréotypes raciaux dans la description et l’identification d’une menace.


Seulement, il est difficile d'occulter l'aspect racial de ce dossier, quand le 25 juin dernier la Cour Suprême des États-Unis a invalidé un des piliers juridiques de la lutte pour les droits civiques. En effet, depuis 1965, le gouvernement fédéral était doté d'un pouvoir de contrôle sur neuf États, la plupart au passé ségrégationniste, afin d'empêcher la mise en oeuvre de politiques électorales discriminatoires. Cette décision a suscité l'indignation auprès de la communauté noire, mais également de Barack Obama, qui s'est dit "profondément déçu". Cette loi au coeur du Voting Rights Act de 1965, avait mis fin aux pratiques destinées à limiter l'accès aux urnes des Afro-Américains (tests de lecture, taxes spécifiques, détention du permis de conduire, etc).  Désormais, hormis dans des "conditions exceptionnelles", dont les termes sont extrêmement flous, les juridictions locales peuvent légalement définir les règles d'accès au vote de leur population

Autre aspect épineux de cette affaire, la question de la légitimité et des limites d'action des brigades de surveillance de quartiers. 

La surveillance de voisinage en quelques mots

La surveillance de voisinage ou le « Neighborhood Watch » existe depuis les années 1960 aux États-Unis. Ce phénomène est issu de la tradition des « Town Watch », entrainant des citoyen-ne-s à assister les forces policières locales sous forme d’auxiliaire. Les « Town Watch » avait accès aux radios de la police, portaient des uniformes et utilisaient les armes que la police leurs attribuaient pendant leur quart. Les « Neighborhood Watch » représentent une version diluée des « Town Watch ». Si les deux poursuivent le même objectif, c’est-à-dire la réduction du taux de criminalité, de délinquance et de vandalisme dans un quartier ou une ville, la surveillance de voisinage a tendance à être moins formelle et à exercer un pouvoir moindre. 

En effet, le « Neighborhood Watch », tel que la pratiquait George Zimmerman, se limite à de l’observation et à de la surveillance. En aucun cas les membres de ces groupes n’ont la légitimité légale d’intervenir. Certes, ces individus reçoivent une formation de la part du corps policier local, mais les groupes de surveillance de voisinage sont complètement indépendants des autorités policières. Pour être claire : les membres des groupes de surveillance de voisinage ne détiennent aucun statut particulier ni aucune autorité vis-à-vis de la population.

Le mouvement s’est développé rapidement à partir des 1960. Certains affirment que ce serait suite au viol et au meurtre d’une jeune new yorkaise ayant eu lieu au vu et au su de nombreux témoins qui ont préféré ignorer l’agression se produisant devant eux. En 1972, l’Association nationale des Shériffs a décidé d’encadrer et d’accroitre le développement des groupes de surveillance en mettant en place un programme à l’échelle nationale.

Les « Neighborhood Watch » sont totalement décentralisés et doivent se conformer aux règles en vigueur au sein de leur municipalité. Cela implique une variabilité importante d’une ville à une autre en ce qui a trait aux fonctions, au niveau d’activités, à l’organisation ainsi qu’aux obligations d’entrainement et de formation des membres.


Les limites de la surveillance de voisinage

L’exercice de la surveillance de voisinage peut devenir plus risqué dans les cas où elle s’exerce au sein d’une ville ou d’un État doté d’une loi similaire à la loi floridienne « Stand your Ground ». Aux États-Unis, environ une trentaine d’États possèdent une loi à celle-ci, protégeant le droit de se défendre à l’aide d’une arme même dans le cas où l’assaillant serait désarmé. Alors que l’objectif vise une fois de plus à réduire le taux de méfaits, différentes études, dont l’une de l’Université du Texas A&M, démontrent que ce type de loi entraine une augmentation des homicides et des blessures par balle. Couplé au droit de porter une arme et à une loi du genre « Stand your Ground », les membres des groupes de surveillance de voisinage ont l’opportunité d’exercer un pouvoir immense : celui de la vie et de la mort. Ainsi, même si leur fonction ne leur octroie aucune prérogative, à titre de citoyen, les membres de ces groupes sont protégés par la loi « Stand your Ground » et peuvent donc intervenir dans le cadre d’un crime présumé, dans celui de l’identification d’un individu suspect ou encore d’une menace présumée.

Les risques de commettre une « erreur », telle que celle commise par George Zimmerman à l’endroit de Trayvon Martin, sont importants. Comme les membres des groupes de surveillance ne sont pas supposés intervenir de manière active lorsqu’un crime est commis, ceux-ci ne reçoivent guère de formation les outilla pour savoir comment agir, pour gérer leur nervosité ou pour neutraliser un individu sans arme. Aussi, les membres de ces groupes ne sont pas entrainés à exercer leur jugement dans une situation stressante. Le contenu des formations soulève de nombreuses interrogations. En effet, à l’heure actuelle, les corps policiers locaux ont pour tâche d’apprendre au « Neighborhood Watch » à identifier des individus et des comportements suspects et menaçants. 

Néanmoins, l’absence de connaissance approfondie de l’environnement dans lequel ils évoluent semble ouvrir la porte aux références collectives stéréotypées de ce qu’est une « menace ». Les propos de Ann Coulter illustrent bien pourquoi il est dangereux de baser son jugement (en tant que surveillant couvert par la loi « Stand your Ground ») : « Why do you suppose there would be a generalized fear of young black males? What might that be based on? Throw us a bone. It's because a disproportionate number of criminals are young black males. »

Pourquoi George Zimmerman a décidé de suivre Trayvon Martin ? Parce qu’il incarnait, selon ses propres standards, une menace potentielle. La question n’est donc pas de savoir si George Zimmerman était raciste, mais plutôt de savoir si le profilage racial, comme mode de surveillance, est acceptable. 

V.P & A.E

mardi 11 juin 2013

Le GOP peut-il être un parti moderne ?

Source: Townhall.com
"Jeune et coloré", voilà ce qui pourrait devenir le nouveau slogan du parti républicain pour les présidentielles de 2016. Le challenge est immense, il faut réussir à convaincre les jeunes que le GOP est un parti d'avenir, ouvert d'esprit, moderne, jeune et dynamique. C'est dans une "bible" d'une centaine de pages "Grand Old Party for a Brand New Generation"que l'on retrouve les détails de cette tentative de séduction. Stratégie qui sera prochainement mise à l'épreuve lors de la convention 2013 du College Republican National Committee, qui se tiendra à Washington D.C, du 13 au 16 juin prochains.

En effet, les résultats des dernières élections présidentielles ont révélé un des points faibles du parti de l'éléphant, à savoir son manque de popularité auprès des moins de 30 ans. Lors d'un sondage réalisé en avril dernier par le Washington Post et ABC News on constate que pour 65% des jeunes âgés de 18 à 29 ans le parti républicain n'est pas en mesure de répondre adéquatement aux attentes de la majorité de la population. Le parti démocrate devenant ainsi l'alternative la plus crédible pour cette part de l'électorat.

Mais tout n'est pas perdu pour le GOP, car plus que le parti en lui-même, c'est surtout l'effet Obama qui a suscité l'engouement auprès des jeunes.  Les chiffres parlent d'eux-mêmes,  46% des jeunes déclarent que le parti démocrate répond adéquatement aux attentes des jeunes contre 47% qui déclarent le contraire. Mais, lorsqu'on évoque Obama, 58% des jeunes le perçoivent comme étant en phase avec les réalités d'aujourd'hui. Ce qui explique les résultats des urnes. En 2008, 66% des jeunes de moins de 30 ans et 60% en 2012 ont voté pour Obama (soit 5 millions de voix de plus que son adversaire Mitt Romney). C'est le plus gros score réalisé par un candidat à la présidence depuis Reagan, qui lui avait récolté 56% des suffrages auprès de cet électorat.

Ce qui a desservi le GOP en 2008 et 2012 pourrait très bien leur être d'une aide précieuse pour 2016. En effet, Obama ne pouvant se présenter pour un troisième mandat, les démocrates doivent trouver un successeur qui sera renouveler cet exploit, et aucun candidat ne semble pour le moment, représenter une alternative crédible. Les républicains pourraient, si leur stratégie s'avère efficace, faire balancer les prochaines élections.

La carte de la modernité ne sera cependant pas suffisante. Les questions comme l'immigration, les minorités ethniques, l'avortement, le mariage gai sont également au coeur des débats. Il pourrait être judicieux que le GOP marque une certaine rupture avec la base la plus conservatrice du parti afin d'offrir une alternative plus modérée et moderne sur ces enjeux, susceptible de séduire davantage les plus jeunes. En d'autres termes, jouer la carte du conservatisme économique et constitutionnel laissant au second plan les enjeux moraux. Mais, il reste encore du chemin à parcourir et certaines bourdes risquent de coûter cher au parti. Je vous laisse savourer une sélection de belles perles:

 " Exhibit No. 1: Texas Congressman Louie Gohmert, a GOP member of House Judiciary Committee, told a witness — who had ended her pregnancy after having been advised that the fetus was brain dead, that she should have carried the “child” to term.

Exhibit No. 2: Erik Erickson, the founder of RedState, mansplained to Fox News’ incredulous Megyn Kelly this week that “when you look at biology, look at the natural world, the roles of a male and a female in society, and other animals, the male typically is the dominant role.” 

Exhibit No. 3: Phil Bryant, Mississippi’s first-term governor, blamed working mothers for American illiteracy. Exhibit No. 4, Georgia Senator Saxby Chambliss attributed rape in the armed forces to hormones.”



A.E





lundi 15 avril 2013

To you I give this granite epic !


Cette semaine j'ai le plaisir de vous partager un article écrit par Marc-André Laferrière, étudiant au baccalauréat en science politique à l'UQAM.

Le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes, notion centrale de l’idéalisme wilsonien qui s’impose dès la fin de la Première Guerre mondiale. À cette époque, les Américains triomphent, leur miroir leur envoie une image d’eux-mêmes des plus flatteuses : ils sont les grands défenseurs de la liberté humaine, les promoteurs de la justice universelle et de l’anticolonialisme. Pour eux, un peuple qui en domine un autre est une aberration morale, et les valeurs portées par l’Amérique ne sauraient accepter pareille infamie…
Pourtant, près de vingt ans après les discours inspirés du président Wilson, on voit émerger du granite du mont Rushmore les visages de quatre des présidents les plus implacables lors de ce qu’on a appelé les « Guerres Indiennes ». Pour les siècles à venir, au cœur même des terres sacrées du peuple sioux, les visages de George Washington, Thomas Jefferson, Abraham Lincoln et Théodore Roosevelt rappelleront chaque jour aux Indiens le poids de leur déroute. On leur avait promis ces terres du Dakota par traité, mais, comme le souligne l’historien Howard Zinn dans son célèbre ouvrage Une histoire populaire des États-Unis, «les différentes administrations américaines ont conclu au-delà de quatre cents traités avec les Indiens et les ont tous violés, sans exception.» L’injure est d’autant plus amère que le sculpteur du mont Rushmore, Gutzon Borglum, était un suprématiste blanc affilié au Ku Klux Klan.

La revanche des Natives

Dès lors, les Indiens songent à une riposte : à un symbole ils répondront par un symbole. Si les célèbres visages présidentiels en imposent par leur stature – ils font 18 mètres de haut – le monument qu’ils allaient ériger surpasserait Rushmore au point de lui porter ombrage. C’est ainsi que les Sioux allaient inviter un sculpteur natif de Boston et d’origine polonaise, Korczak Ziolkowski, à tailler dans une autre montagne des Black Hills, à quelques kilomètres à peine de Rusmore, l’image du grand chef des Lakhotas – tribu du peuple sioux – célèbre et admiré pour son courage au combat contre les troupes américaines : Crazy Horse.

Un héritage immortel

Les travaux ont débuté en 1948 et devraient se terminer… d’ici une cinquantaine d’années. Pour l’anecdote, Korczak Ziolkowski, décédé en 1982, croyait finir son œuvre en moins de 30 ans… Si on mesure la grandeur d’une civilisation par l’envergure de ses monuments, le peuple sioux figurera sans doute au panthéon des grandes civilisations : une fois achevé, il s’agira de la sculpture la plus imposante du monde. Elle fera 195 mètres de long pour 172 mètres de haut et, à lui seul, le visage de Crazy Horse, inauguré en 1998, mesure 27 mètres de haut.
Si l’on se souvient, encore aujourd'hui, de l’Égypte des pharaons, c’est que leurs pyramides avaient l’étoffe qu’il fallait pour traverser les millénaires. Ainsi, même si toute comparaison entre la civilisation égyptienne et celle des Indiens d’Amérique reste impossible, Crazy Horse, comme le Sphinx, possède toutes les qualités requises pour subjuguer historiens et archéologues du futur : par ce monument, le peuple sioux s’est donné l’assurance qu’on ne l’oublie jamais. 





L’image ci-dessus, exposée au centre culturel du Crazy Horse Memorial, représente le projet tel qu’il sera une fois achevé. Le chef indien, qui chevauche un Mustang, pointe vers l’Est, là d’où est venu l’envahisseur. Derrière lui, un poème gravé en lettres géantes rappellera à la postérité le triste sort qui fut celui des Natives.
Le complexe abritera un immense centre éducatif et culturel destiné à redonner aux Indiens la place qu’ils méritent en terre d’Amérique. Ceux-ci auront accès aux études supérieures par l’entremise de la University and Medical Training Center for the North American Indian, et auront l’occasion, grâce à l'Indian Museum of North America, de transmettre l’histoire de leur civilisation autrement que par la lecture qu’en font leur conquérant.




Ci-haut, le monument en cours de construction tel qu’il se présente aujourd’hui. Les travaux d’extraction actuels s’attèlent à la tâche de sculpter les contours de la future tête de cheval.

De l’autodétermination des Sioux

La plupart des hommes blancs qui ont eu à côtoyer les Sioux ont reconnu en eux un peuple d’une grande fierté, une réputation qui ne semble pas surfaite : lorsque le gouvernement fédéral a proposé une aide financière à la Crazy Horse Memorial Foundation, il fit face à un net refus. Le projet s’autofinance par des dons privés, par des frais d’accès au site – entre un et deux millions de visiteurs annuels – et par la vente de souvenirs. Aussi, on fait le commerce d’échantillons de pierres tirées de la montagne. Le touriste peut ainsi se procurer un caillou de la grosseur d’un pamplemousse pour la modique somme de un dollar. En 1985, on avait déjà extrait huit millions de tonnes de granite… le vendre aux visiteurs relève du coup de génie.

The past is in our hearts

Aujourd’hui, les Guerres Indiennes ne sont plus qu’un lointain souvenir dont la dure réalité est soigneusement gommée par la plupart des livres d’histoire. Le citoyen américain paraît serein face à son passé. Pour lui, la conquête de l’Ouest représente un événement glorieux, l’expression d’une « destinée manifeste ». Mais sur le site inachevé de Crazy Horse, lorsqu’il termine la lecture du poème qu’on gravera bientôt dans la pierre, il suffit de l’observer pour mesurer combien ses certitudes peuvent faillir. Lui qui riait et s’exprimait d’une voix forte – proud to be American – se fait soudain humble et silencieux. Son visage assombri parle de lui-même : en son cœur l’idéalisme wilsonien est fissuré.

When the course of history has been told
Let these truths here carved be known :
Conscience dictates civilizations live
And duty ours to place before the world,
A chronicle which will long endure.
For like all things under us and beyond
Inevitably we must pass into oblivion.
This land of refuge to the stranger
Was ours for countless eons before :
Civilizations majestic and mighty.
Our gifts were many which we shared
And gratitude for them was known.
But later given my oppressed ones
Were murder, rape and sanguine war.
Looking east from whence invaders came,
Greedy usurpers of our heritage.
For us the past is in our hearts,
The future never to be fulfilled.
To you I give this granite epic
For your descendants to always know –
‘’My lands are where my dead lie buried.’’

Marc-André Laferrière

Les photos qui coiffent ce texte ont été prises par l’auteur en juillet 2012.
Site officiel du Crazy Horse Memorial : http://crazyhorsememorial.org/