mardi 1 mai 2012

Retour sur les enjeux des présidentielles américaines 2012

Après l'abandon de Rick Santorum, c'est au tour de Newt Gingrich d'annoncer son retrait, de la course à l'investiture républicaine, ce qui confirme Romney comme challenger d'Obama le 6 novembre prochain.


L'issue de ces élections sera déterminante, et ce, quel qu’en soit le résultat, pour le futur des États-Unis et celui des relations internationales. Dans cette optique, Victor A. Béliveau (étudiant au doctorat à l'Université Laval) a pris l'initiative d'organiser, le 26 avril dernier, une conférence visant à expliquer les enjeux inhérents à ces élections.

Tour à tour, les conférenciers ont abordé des notions et enjeux essentiels comme le mécanisme électoral américain, les dynamiques de campagne, le bilan de fin de mandat d'Obama, et les défis qui attendent les Républicains s'ils veulent l'emporter.

Retour sur la genèse du système électoral

Après une entrée en matière de John Parisella (ex-délégué général du Québec à New York), Victor A. Béliveau a débuté sa présentation par l'explication du système électoral américain. A l'origine, les pères fondateurs souhaitaient mettre en place le meilleur système politique possible. L'objectif était de protéger les individus de l'autoritarisme, d'où l'instauration du principe de la séparation des pouvoirs. Mais pour éviter toute possibilité de tyrannie de la majorité, ils limitèrent également le pouvoir du peuple. Ce qui fait qu'aujourd'hui encore les Américains n'élisent pas directement leur président.

En effet, lors des élections présidentielles, même si le nom des candidats est inscrit sur les listes, les citoyens ne votent pas directement pour leur favori mais désignent 538 grands électeurs qui constituent le collège électoral. La répartition du nombre de grands électeurs par État se fait en fonction de leur poids démographique, selon des règles qui leurs sont propres.


Source : RealClearPolitics 

Cependant, avant la date fatidique du 6 novembre, il y a la course à la présidence. La première étape se déroule deux ans avant les élections. C'est ce que l'on appelle les primaires invisibles, une entreprise de séduction pour obtenir des soutiens financiers. Ensuite viennent les primaires (scrutins classiques qui désignent environ 80% des délégués) et les caucus (assemblées de citoyens plus ou moins formelles). Il s'agit durant ce marathon s'étalant sur six mois, d'obtenir le nombre de délégués nécessaire à l'investiture officielle du parti, lors de la Convention nationale. Cette année, les candidats républicains doivent avoir réuni 1144 voix sur 2286 pour l'emporter. L'élément indispensable pour perdurer dans la course est avant tout l'argent, qu'il faut savoir investir à bon escient, notamment dans les "swing states" (les États qui n'ont pas d’allégeance particulière) qui ont par conséquent une importance stratégique.
Ce que l'on peut retenir de la campagne du parti républicain à l'heure actuelle, c'est son manque de saveur et d'enthousiasme. Le GOP, qui a souffert de fortes divisions internes, recueille moins de ressources financières que son adversaire, ce qui est un désavantage de taille pour Romney.

Le parti républicain à l'heure d'Obama

Sarah Veilleux-Poulin (candidate à la maîtrise en science politique à l'UQAM et chercheure à l'Observatoire sur les États-Unis de la Chaire Raoul-Dandurand en études stratégiques et diplomatiques) analyse l'évolution du parti républicain sous Obama. Ces primaires se déroulent sous le spectre d'une économie morose et d'un taux de chômage inquiétant. Depuis 2008, on note une augmentation constante du taux de pauvreté. L'écart entre les riches et les pauvres se creuse. Aujourd'hui, 45 millions de personnes vivent sous le seuil de pauvreté, soit plus de 10% de la population totale du pays. Cette réalité offre au GOP les munitions dont il a besoin pour s'attaquer de front aux politiques de relance du président, dont notamment la loi sur Wall Street. Il faut, selon les candidats, sauver la société américaine du socialisme, symbolisé par l'augmentation des financements sociaux et la réforme sur l'assurance santé. Obama est largement accusé d'attiser les guerres de classes. De ce fait, la polarisation de la société concernant les enjeux moraux et religieux est de plus en plus importante.

Pour mieux comprendre cette notion de polarisation de l'électorat, Sarah revient sur les enjeux défendus par chacun des candidats républicains. Romney, malgré son statut de favori peine encore à se connecter avec l'électeur moyen. Sa fortune personnelle l'éloigne de la réalité économique de la classe moyenne. Son affiliation religieuse (mormon) et son comportement de girouette (Flip-Flopper) jouent également en sa défaveur. De plus, le succès de l'ultra-conservateur Rick Santorum reflète la polarisation de l'électorat, rendant la tâche difficile à Romney dans l'établissement de son programme de campagne.

Pour Romney, la relance de l'économie passe par des baisses d'impôts aux entreprises, des coupures dans les dépenses fédérales. La signature de nouveaux accords de commerce sur la scène internationale permettrait la relance de l'emploi. L'élément au centre de leur programme est l'annulation d'Obamacare (dont le taux d'approbation est de moins de 50%), qu'ils considèrent comme une ingérence gouvernementale dans les libertés individuelles et entrepreneuriales. Pour y parvenir, le GOP envisage un recours collectif des États devant la Cour suprême. Un des points faibles du discours républicains reste cependant leur attitude réactionnaire en matière de droit des femmes. Selon les sondages, ces dernières voteront massivement (à plus de 55%) pour le président démocrate.


Quel bilan pour Obama?

Pour l'ensemble des conférenciers, c'est la désillusion qui est de mise. Certains lui reproche par exemple, le maintien de la prison de Guantanamo, son bilan économique qui est loin d'être à la hauteur des promesses annoncées, et enfin, le taux de chômage qui stagne entre les 8 et 9%. On n'évoquera pas le bilan de la politique étrangère de l'administration Obama, qui n'apparaît pas pour l'instant, au coeur de la campagne de 2012.


Claude Berlinguette-Auger (étudiante à la maîtrise à l'UQAM) revient également sur le bilan du 44e président.  Avec une côte de popularité en dessous des 50%, Obama se retrouve face à une situation délicate et ne peut donc plus compter sur le vent d'espoir qui l'a fait gagner en 2008. Cet homme doué d'un très grand charisme est un expert de l'image. Malheureusement, il n'a pas su exploiter pleinement ce potentiel, pour agir en vrai leader. Ses opposants ont exprimé leur opposition par des discours de plus en plus radicaux et virulents envers le président. L'inexpérience de son équipe lui a coûté de grosses défaites comme le refus des Républicains de consentir à une hausse d'impôts pour diminuer la dette publique, ce qui était un élément majeur du mandat d'Obama. En effet, le déficit fédéral en 2011 atteint 9% du PIB soit une première depuis soixante ans. Taux amené à se maintenir dans les prochaines années, compte tenu , entre autre, du ralentissement économique et du vieillissement de la population.

La réforme de l'assurance maladie (l'Obamacare), cheval de bataille du président a monopolisé l'attention de l'équipe présidentielle pendant plus de 14 mois, reléguant au second plan l'économie et le chômage pourtant au coeur des préoccupations des Américains. La polarisation croissante de l'électorat paralyse le processus législatif puisqu'il devient de plus en plus difficile pour les deux partis de s'entendre, et de faire des concessions sur des enjeux majeurs comme l'économie,  le chômage, ou le déficit public.

 Dans ce cadre quel est le contexte de campagne d'Obama pour 2012? Tout d'abord, il est très rare qu'un président sortant ne soit pas réélu. De plus, comme il l'a déjà prouvé en 2008, c'est une vraie bête de campagne qui sait séduire les masses. Même si l'économie n'est pas au beau fixe, elle s'améliore progressivement, ce qui joue en sa faveur, à condition que la croissance se maintienne à un taux supérieur à 0,5%. Le parti républicain a souffert de grandes divisions internes et même si Romney devrait remporter l'investiture officielle du parti, il est encore loin de faire consensus au sein de sa base électorale. Obama devra se battre, sa victoire ne s'annonce pas facile. Son bilan demeure assez mitigé, le chômage reste élevé, et sont taux d'approbation nationale est dangereusement bas.



Les grands retournements électoraux sous Obama (2008, 2010, 2012)

En guise de conclusion, Frédérick Gagnon (directeur de l'Observatoire sur les États-Unis de la Chaire Raoul-Dandurand en études stratégiques et diplomatiques, et professeur au département de science politique à l'UQAM) revient sur le comportement électoral des Américains sous Obama.

Comme il le souligne, un des particularismes des États-Unis est la volatilité de son électorat, ce qui est inquiétant pour la politique américaine. En 2008, l'impopularité des Républicains a favorisé la victoire des démocrates. Le charisme d'Obama et sa gestion de l'image ont suscité un grand enthousiasme (l'Obamanie), habilement exploité par son équipe de campagne.

Cependant l'enthousiasme aura été de courte durée. Les Américains sont déçus et le font sentir par le biais des urnes. Les élections de mi-mandat en novembre 2010 sont un coup dur pour le président. La Chambre des représentants repasse aux mains des Républicains qui gagnent plus de 60 sièges. Désormais, leur objectif est d'empêcher Obama d'avancer dans ses réformes en paralysant le processus législatif, notamment par l'utilisation excessive de l'obstruction parlementaire (le filibuster), qui consiste à prononcer délibérément d'interminables discours pour faire obstruction à un débat sur un projet de loi.

Obama n'est pas dans une situation confortable pour ces présidentielles de 2012. Ses réformes sont perçues comme étant des politiques de centre gauche ce qui est loin de faire l'unanimité y compris au sein de son propre parti. La manière dont ces politiques ont été médiatisées a permis au Tea Party d'accroître son poids politique.

La théorie de la thèse institutionnelle propose d'expliquer les difficultés d'Obama d'une autre manière : tout serait la faute des pères fondateurs. En effet, le Congrès des États-Unis détient d'immenses pouvoirs, et jouit d'une indépendance vis-à-vis du président. Au Sénat, il faut une majorité de 60 sénateurs sur 100 pour clore les débats et passer au vote sur un projet de loi. Sauf qu'aucun parti ne possède cette majorité absolue, qui lui permettrait de faire voter facilement ses projets de loi. Il faut donc sans cesse courtiser les membres du parti adverse pour parvenir à ses fins, ce qui implique forcément des concessions.

AE.  

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